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culture et contact culturel

Article publié le samedi 29 avril 2006.


Le contact culturel

Condition et définition.

La littérature regorge d’exemples souvent contradictoires traitant des contacts culturels. Si nous appelons contact culturel toute situation où des sujets de culture différente sont en co-présence, nombreuses peuvent alors être les sources d’interactions. Ainsi plusieurs perspectives sont envisageables allant de la guerre à l’élaboration collective et réciproque, du mépris au métissage, de la confiance à l’ignorance. Les effets de ces situations plus ou moins durables, qu’elles soient collectives, individuelles, personnelles, groupales ou les deux à la fois, constituent tout un ensemble de processus qui donnent lieu à des changements et des transformations psychologiques, sociales, et culturelles.

« Le contact culturel [...] ne doit pas être regardé comme le transfert d’un élément d’une culture à une autre, mais comme un processus continu d’interactions entre groupes de cultures différentes. »

Nous le voyons, la co-présence est nécessaire mais pas suffisante. Ainsi les « transferts », fruits de contacts, de vies, d’interactions plus ou moins prolongés, qu’ils soient volontaires ou non constituent de précieux objets d’études pour les sciences humaines. Etant en contact avec des personnes culturellement différentes nous mettons en place tout un ensemble de processus alors source à la fois de changements et de régulations. Ainsi dans une société donnée, l’ensemble des relations entre sujets participe à l’élaboration et au changement de la culture, sur la base d’une concertation, d’accords tacites et implicites, d’un héritage historique, d’une hétérogénéité, d’une diversité et d’une ouverture. Cette élaboration, dans le même temps participe à la construction et au changement de chacun de ses membres.

Mais le contact culturel ne se limite évidemment pas à ce trop court énoncé. En tant que tel, il engendre nombre de processus plus ou moins complexes tant au niveau individuel que collectif, sur lesquels nous reviendrons par la suite. Avant cela il est alors nécessaire de nous entendre sur le sens du mot culture.

Vous avez dit Culture ?

« La culture c’est ce qu’il reste quand on a tout oublié »...

S’il n’est pas nouveau d’exprimer qu’un nombre impressionnant de définitions du mot culture ont été proposées par divers auteurs que ce soit en sociologie, en psychologie, en anthropologie ou encore en ethnologie, nous pensons qu’il est toujours bénéfique d’en rappeler brièvement les contenus afin de préciser (une nouvelle fois) ce que l’on veut dire lorsque l’on parle de culture.

Il n’est pas pensable d’envisager la culture sans envisager l’homme et réciproquement. Une première distinction ou séparation se pose à la lecture de certains ouvrages, le concept de culture s’oppose à celui de nature. Le culturel assurerait plutôt une fonction de médiation avec la nature, il s’oppose à une conception innéiste. Ainsi Tylor en 1871 propose la définition suivante : « ... ensemble complexe incluant les savoirs, les croyances, la morale, les coutumes ainsi que toutes dispositions ou usages acquis par l’homme vivant en société. »

Il est intéressant de retenir ici que la culture est une production humaine donc acquise. Ainsi elle est transmise au travers de l’éducation et partagée par un ensemble d’individus. Elle donne sens à l’expérience vécue et englobe donc les valeurs, les représentations, les normes, les stéréotypes et les systèmes comportementaux. « La culture c’est sans doute ce qui se fait et ce qui existe comme production de l’homme, mais c’est surtout et d’abord ce qui se fait et ce qui existe comme ayant du sens dans une communauté. » (Clanet, 1990, p. 54)

Dans le même ordre d’idée la culture se démarque de la civilisation en ce sens que la première est à la seconde ce que le contenu manifeste est au contenu latent. Autrement dit les manifestations explicites d’une société sont plus d’ordre civilisationnel, alors que celles qui sont implicites relèvent plus de la sphère culturelle.

Nous évoluons, nous nous construisons, nous agissons dans un univers symbolique au devenir variable. La culture comme unité de sens nous donne accès au réel, ou plutôt est ce par quoi nous accédons au réel. Pour Camilleri (1985), aucun stimulus n’agit sur nous directement, mais par l’intermédiaire du sens. La culture c’est le fait que les sujets puissent se construire sur un fond de références symboliques communes.

Rohner considère la culture comme « ...totalité des significations équivalentes et complémentaires acquises, conservées ou maintenues par une population ou par des segments identifiables d’une population et transmis d’une génération à l’autre. »

Mais quel rapport l’homme entretient-il avec sa culture, en quoi se co-déterminent-ils ?

Le terme même de détermination est à employer avec précaution lorsque l’on parle de culture et de psychisme. En effet, la culture est une abstraction dotée d’un pouvoir causal (Marandon, 1999). Le comportement n’est pas dicté par la culture, en revanche celle-ci l’influence.

Le culturel ça ne se limite pas. Cette conception rompt avec l’idée d’une influence totale de la culture sur l’individu. Elle laisse la place au sujet et le met au centre des différences interindividuelles. Ainsi la culture n’est pas directement observable, on ne peut l’inférer qu’à partir de comportements qui en sont teintés. Autrement dit, la culture « ça ne se voit pas », mais on en perçoit les effets. (Pistre, 1999, p. 42)

Reprenons, la culture est acquise au travers de l’éducation, des multiples expériences interpersonnelles, des interactions avec des groupes d’appartenances différents et évoluant sans cesse. Ainsi, elle participe à la création, à la genèse mais aussi aux changement de valeurs, représentations, normes, modèles de conduite explicites mais aussi implicites. Pour Denoux la culture ce pourrait être « l’ensemble des possibles » d’un individu ou d’un groupe, l’univers de signification.

La culture organise donc nos modes de perception, d’interprétation et d’appropriation du réel, mais également « le mode d’organisation et de sélection des informations »( Pic, 1997, p. 22)

Le concept de culture est résolument inscrit dans une perspective dynamique, dans un jeu de perpétuel changement et d’ouverture. A la fois structure et processus la culture crée du culturel qui à son tour la transforme. C’est un ensemble historique, dynamique, ouvert, non homogène et non homogénéisant.

Mais bien que transmise, partagée, acquise et variable comme système de signification la culture n’en reste pas moins la propriété d’un groupe. On voit naître bon nombre de cultures ou de sub-cultures traversant des ensembles culturels dominant « qui circulent, diffusent et marquent une génération, une époque ». (Lemonnier, 1997, p30) Soulignant également cet aspect Marandon (1997, p.122) précise que communément le terme de culture est associé à celui de l’ethnie ou de la nationalité, niant par la même « la singularité des individus supposés "appartenir" à ces entités. »

Enfin la position de Boesch (1995) dans ce débat me paraît assez pertinente. Il présente « une définition actionnelle » de la culture en la considérant comme champ d’action symbolique. Chaque individu se constitue un univers symbolique qu’il signifie entre autre par les actions qu’il y effectue ou non. Ainsi ces espaces « actionnels » sont inter-reliés entre eux et constituent un réseau qui est une partie du champ individuel d’action :

« La culture est un champ d’action dont le contenu s’étend des objets faits et utilisés par les êtres humains jusqu’aux institutions, aux idées et aux mythes. Etant un champ d’action, la culture offre des possibilités d’actions, mais en définit également des conditions ; elle circonscrit des objectifs et les moyens pour les atteindre, mais elle trace également les limites pour les actions correctes, possibles et même déviantes. La relation entre les contenus matériels et idéatoires du champ culturel d’action est d’ordre systémique ; autrement dit, des transformations dans une partie du système peuvent avoir des répercussions dans d’autres parties. En tant que champ d’action, la culture non seulement induit et contrôle l’action, mais étant aussi continuellement transformée par celle-ci, la culture est autant un processus qu’une structure ». (Boech, 1995, p.147 ?)

La culture est considérée comme un construit mais également comme quelque chose d’abstrait de l’expérience humaine. Elle n’est pas directement observable. En tant que système de signification acquis et partagé, il nous est impossible d’accéder à une culture par l’intermédiaire d’un individu « censé » la représenter. Autrement dit, pas d’accès à la culture par l’intermédiaire de sa personnalité, et pas d’accès à la personnalité par l’intermédiaire de la culture. On ne rencontre pas une culture mais des individus pluriculturels et c’est l’ensemble de ces références en chacun de nous qui dessine les contours de notre appropriation culturelle.

En résumé la culture est variable, transmissible, partageable et acquise. Elle a pour principales fonctions l’orientation des conduites, l’identification et l’intégration, et permet une construction de sens et de signification du réel. Parmi ses composantes, on retrouve entre autres, les valeurs, les représentations sociales, les normes, les attitudes et les standards comportementaux.

Il n’est pas facile de trouver une définition qui puisse englober les nombreuses dimensions d’un concept aussi large, sans pour autant noyer ce qui fait sa spécificité, son « essence ». Celle d’Alexander Thomas traduit à mon avis bien cette complexité :

« La culture est un système universel d’orientation de l’homme, typique de chaque société, organisation ou groupe de personnes. Ce système est constitué de symboles spécifiques qui font l’objet d’une tradition au sein d’une même société, organisation, etc. Il influe sur les processus de connaissance (perception, pensée, évaluation) et d’action de tous les ressortissants d’une même culture et définit ainsi leur appartenance. Une telle culture, prise comme système d’orientation, structure donc le champ de connaissance et d’action spécifique de tous les individus se considérant comme appartenant à une société, et elle forme la base nécessaire au développement d’instruments qui leur sont tout à fait propres et qui leur permettent de maîtriser leur environnement »


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