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Les sites d’information autonomes cherchent leur équilibre économique

Par Daniel Psenny et Pascale Santi
Article publié le lundi 10 décembre 2007.


Face à la crise qui secoue le secteur de la presse écrite, les difficultés économiques qu’elle rencontre et la contestation de son indépendance, de plus en plus de journalistes migrent sur le net. A l’instar des Etats-Unis, où des plumes de titres réputés comme le Washington Post ont quitté leur journal pour participer à des sites d’investigation, des "signatures" de la presse française tentent également l’aventure du net avec l’ambition de renouveler le métier et de changer les rapports entre les journalistes et les lecteurs. Edwy Plenel, ancien directeur de la rédaction du Monde, a ouvert dimanche 2 décembre la présentation de son site d’information, pour l’instant appelé MediaPart (www.mediapart.fr) qui sera lancé au premier trimestre de 2008. Il prône "une presse profondément repensée et totalement refondée".

"Partant du constat qu’il y a une crise de l’information, très particulière en France au regard de l’indépendance des journaux, nous voulons proposer un journalisme d’enquête en offrant un nouveau type d’information, totalement indépendant, sur un mode participatif", explique François Bonnet, ancien chef du service international du Monde, directeur éditorial de Mediapart.

Ce site, "cherche à inventer une réponse aux trois crises - démocratique, économique, morale - qui minent l’information en France, sa qualité et son utilité, son honnêteté et sa liberté", écrit M. Plenel. L’équipe, qui compte aujourd’hui sept à huit personnes (dont Laurent Mauduit, ancien rédacteur en chef du Monde, Gérard Desportes, Marie-Hélène Smiejan...), en comprendra une quarantaine à terme, dont 25 à 30 journalistes. "Le défi est aussi de créer une communauté", insiste Benoît Thieulin, partenaire du projet, fondateur de l’agence la Netscouade, ancien responsable de la campagne présidentielle de Ségolène Royal sur le web.

Le site MediaPart s’appuie sur un nouveau modèle économique, qui ne mise pas sur les recettes publicitaires : l’adhésion payante, de 9 euros par mois (5 euros pour les chômeurs et les moins de 25 ans). Ce qui exige selon ses concepteurs "de fortes plus-values". Le point mort sera atteint avec 75 000 adhérents la troisième année. Les besoins de financement sont de 4 millions d’euros.

Pour garantir l’indépendance du site, les fondateurs, dont M. Plenel qui a investi 500 000 euros à titre personnel, détiendront entre 57 % et 59 % du capital. Ils vont apporter 1,3 million d’euros. Des investisseurs partenaires, "acteurs dans le domaine des nouvelles technologies mais sans liens avec les puissances financières en place", sont appelés à investir entre 100 000 et 500 000 euros chacun. Une société des amis sera composée d’individuels mettant entre 5 000 et 50 000 euros chacun.

En France, les pionniers de Rue89 (www.rue89.com), se sont lancés le 6 mai 2007, jour du second tour de l’élection présidentielle. Quatre anciens de Libération, Pierre Haski, M. Mauriac, Pascal Riché et Arnaud Aubron, partis dans le cadre du plan de départ du quotidien début 2007, ont lancé ce site, qui "marie le journalisme professionnel et la culture participative de l’Internet".

PASSER À LA "VITESSE SUPÉRIEURE"

"Le lancement de MediaPart valide notre approche", estime M. Haski, cofondateur de rue 89. Il annonce que "la troisième phase de l’augmentation de capital" est en préparation. Rue89 recherche 2 millions d’euros. Cette phase devrait être bouclée au premier trimestre de 2008, les fondateurs et "les amis de rue89" détiendront 70 % du capital, le maître mot étant l’indépendance. Rue89 veut aussi créer une société des lecteurs internautes en partant du principe "qu’il est plus intéressant de devenir actionnaire que de s’abonner", selon M. Haski. Le site compte 450 000 visiteurs uniques par mois et un "bon niveau" de recettes publicitaires atteint en novembre. "Le journalisme était décrit comme moribond il y a un an. Or, il y a un avenir pour les journalistes sur Internet", affirme M. Haski. Signe des temps, les stagiaires des écoles de journalistes affluent.

Le site "d’informations et d’enquête" Bakchich (www.bakchich.info) qui revendique un certain "mauvais esprit", annonce, après quinze mois d’existence, être "passé à la vitesse supérieure". Ce qui suppose de nouveaux partenaires financiers, dont la publicité. "Il faut au moins un million de visiteurs par mois pour intéresser les annonceurs", affirment ses responsables. Pour l’instant, les recettes publicitaires sont quasi-nulles. Bakchich, qui a enregistré, selon Google Analytics, 400 000 visiteurs en novembre, estime qu’il faudra trois ans pour trouver un réel équilibre économique.

Le journaliste Nicolas Beau, auteur de livres d’investigation, après onze ans passés au Canard Enchaîné, a rejoint le site, pour "tenter l’aventure du Net". En janvier 2008, Philippe Labarde (ancien directeur de la rédaction du Monde) deviendra président du comité éditorial de Backchich.

En octobre, le site ne comptait que trois permanents avec un budget de 10 000 euros par mois. Il était financé par deux mécènes, dont un opposant tunisien, ami de M. Beau. Depuis, 200 000 euros ont été levés dont 120 000 fournis par Jean-Jacques Coppée, un homme d’affaires belge et 80 000 euros par trois autres hommes d’affaires. L’équipe, qui est désormais passée à quatre permanents et une quinzaine de pigistes, espère arrondir les fins de mois avec la vente de la déclinaison de Backchich en version PDF et papier.

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3236,36-987820@51-987929,0.html


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