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OGM : un chercheur sanctionné pour son esprit critique

Par ELIANE PATRIARCA
Article publié le dimanche 21 octobre 2007.


Chercheur en génétique à l’Institut d’Orsay, Christian Vélot, connu pour ses avis critiques sur les cultures transgéniques, se dit victime de pressions de sa direction, allant jusqu’à l’éviction de son équipe.

Un chercheur a-t-il droit à la liberté d’expression ? Peut-il critiquer la science ? Christian Vélot, 43 ans, maître de conférences en génétique moléculaire (université Paris Sud), et directeur d’une équipe de recherche à l’Institut de génétique et microbiologie d’Orsay, s’estime victime de ses prises de position sur les organismes génétiquement modifiés (OGM). Explications. Il estime subir, depuis 2006, des pressions de la pert de la direction de l’Institut d’Orsay, depuis la confiscation de crédits jusqu’à l’annonce, fin septembre, de l’exclusion de son équipe en 2010.

« Nous sommes virés de façon arbitraire, indépendamment de toute évaluation scientifique et sans aucune consultation du conseil scientifique et du conseil d’institut », déplore le chercheur. Christian Vélot attribue ces décisions à ses prises de positions personnelles sur les OGM. DR Il donne depuis quatre ans des conférences à destination du grand public - dont l’une a d’ailleurs servi de document de travail à l’intergroupe OGM du Grenelle de l’Environnement. « En tant que biologiste moléculaire, je suis un utilisateur de la technique OGM, qui est d’abord un outil au service de la recherche. Pour nous, les OGM sont comme des éprouvettes qui contribuent à la compréhension des processus biologiques. Parallèlement je donne des conférences parce que je considère que cela releve de notre devoir d’informer les citoyens de ce qui se passe dans les labos, afin qu’ils puissent participer aux débats sur des nouvelles technologies qui sont aussi des choix de société comme les nanotechnologies, ou les OGM. »

Des conférences pédagogiques mais pas neutres, car Christian Vélot ne croit pas qu’un chercheur doive ou puisse l’être.

Il y explique notamment que l’introduction des OGM dans l’agroalimentaire soulève de nouvelles questions sanitaires ou environnementales et que cette technique n’a rien de chirurgical mais est totalement aléatoire. Il a été cité par la défense au procès de faucheurs volontaires d’OGM.

« Ma direction m’a d’abord adressé des remontrances verbales, me reprochant de prendre des positions publiques sur les OGM au nom de mes tutelles », relate-t-il. Lui affirme pourtant avoir toujours parlé publiquement « à titre personnel, en tant que chercheur, mais en citant [son] affiliation professionnelle. » « On m’a ensuite accusé de « cracher dans la soupe. Mais si on ne peut plus, en tant que scientifique critiquer la science, cela veut dire que la science n’est plus la science, c’est une église ! »

Christian Vélot se voit supprimer, sans explications, le reliquat de crédits dont il disposait pour assurer le fonctionnement de son labo durant les deux dernières années de son contrat quadriennal (2005-2009).

Puis, trois jours avant l’arrivée d’une étudiante qui devait rejoindre son équipe pour un master puis une thèse, il apprend qu’elle a en fait été affectée à un autre labo, qui se trouve être celui de la directrice de l’Institut. « Etre privé de ses thésards, c’est la mort pour un labo », souligne-t-il.

En juin, la direction de l’Institut d’Orsay lui demande de déménager son labo. « A moins d’un an et demi de notre prochaine évaluation scientifique, perdre trois ou quatre mois dans l’inertie d’un déménagement, serait catastrophique, plaide-t-il J’ai refusé de déménager avant fin 2009. A la rentrée, on m’a menacé d’un déménagement manu militari. »

Fin septembre, il reçoit une lettre l’informant que lui et son équipe ne feront plus partie de l’Institut à l’issue de leur contrat, en 2010.

Interrogée par Libération, Monique Bolotin, directrice de l’Institut d’Orsay, explique que sa hiérarchie lui demandé de ne pas s’exprimer sur le « cas Vélot ». Elle lâche néanmoins que si elle a demandé à Christian Vélot de déménager son labo, « c’est pour permettre une grosse opération scientifique dans les locaux qu’il occupe et que lui même se rapproche d’équipes travaillant sur sa thématique. »

Quant aux motifs de l’éviction du chercheur, elle souligne que la décision relève du directeur adjoint et futur directeur de l’Institut, Jean-Pierre Rousset, que Libération a tenté en vain de joindre depuis une semaine.

Néanmoins, Monique Bolotin assure que « cette décision est dictée seulement par la science ». « Chaque directeur est libre de composer ses équipes de travail et il est clair que Christian Vélot ne partage pas le projet scientifique de l’Institut », poursuit-elle sans plus de précision. « Il préfère jouer les victimes », assène-t-elle, il est pris dans une spirale inflationniste. »

Christian Vélot, lui, se sent pris dans la spirale dont sont toujours victimes les « lanceurs d’alerte, ces scientifiques ou ces personnes issues de la société civile qui dénoncent ou mettent en garde contre des dangers sanitaires ou environnementaux et s’exposent ainsi à des représailles de leur hiérarchie ou des lobbyes industriels ».

S’il prend le risque aujourd’hui de médiatiser ses déboires, c’est parce qu’ « il faut que tout le monde sache ce qui arrive aux chercheurs qui osent parler des risques potentiels qu’induisent de nouvelles technologies. Au Grenelle de l’environnement, on a évoqué la nécessité de l’indépendance de l’expertise scientifique. Quitte à le payer de ma carrière, au moins que cela serve à faire avancer la liberté d’expression des chercheurs et la protection juridique du statut des "lanceurs d’alerte" ».

Aujourd’hui, à l’initiative de Christian Vélot, une action de médiation est en cours pour tenter au moins de récupérer les crédits confisqués et éviter le déménagement - « On me demande toujours de déménager alors que je suis officiellement viré fin 2009 ! », observe le chercheur. Afin qu’il puisse au moins achever la recherche en cours.


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