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(JPG) Edouard Rihouay a été assassiné le 12 septembre 2006 sur le Pont-Neuf à Toulouse.

Sa mort a servi, beaucoup servi, au point d’en oublier ce qu’a été sa vie, ses combats, ses rêves.
Article publié le vendredi 10 novembre 2006.


Un hommage à sa vie dans un lieu symbolique de la marge - qu’il fréquentait - « La Chapelle », 36 rue Danielle Casanova à Toulouse Le samedi 11 novembre 2006 à partir de 12 heures.

Parce qu’Edouard Rihouay, étudiant en maîtrise de sociologie, venait de réaliser un travail universitaire sur le phénomène des « Glaneurs » au Québec (réalisation et partage de repas collectifs confectionnés à partir de produits récupérés à la fin des marchés), Parce qu’Edouard Rihouay avait une expérience du théâtre, qu’il avait travaillé et joué à plusieurs reprises dans cette ancienne chapelle devenue un lieu d’expérimentation sociale,
Parce qu’Edouard Rihouay s’intéressait à ces questions de la marge et des pratiques dites alternatives,

Les proches et intimes de celui-ci ont décidé de rendre hommage à la personne d’Edouard Rihouay et à ce qu’était sa vie et ses choix. Ils se retrouveront pour vivre ensemble un moment de convivialité autour d’un repas collectif en inscrivant à Toulouse la pratique des « Glaneurs » québécois.
La forme sera celle d’un Cabaret où chacun au moyen de danse, texte, musique, film dira à sa manière ses mots pour l’absent.

Parce que la mort d’Edouard Rihouay est aujourd’hui un symbole qui a permis l’émergence de ce concept nouveau de « marginalité agressive ».
Parce que cette mort est l’objet d’une récupération politique de la part de la mairie de Toulouse, qui a utilisé et utilise ce fait divers tragique pour promouvoir et légitimer une politique répressive sans précédent à l’égard de ceux qui dorment dans la rue, dans des squats ou sous une tente ; de ceux qui tendent la main ou stationnent sur les trottoirs.
Parce que le maire de Toulouse a profité de ce fait divers, malgré les protestations de la famille, pour faire la promotion de sa personne et de sa politique.

Les proches et intimes d’Edouard Rihouay nous disent par ce « Cabaret Cadeau » et le choix de ce lieu de l’alternative, leur refus et leur colère de voir la mort de leur ami devenue ce symbole légitimant une politique répressive, de voir cette mort aujourd’hui instrument au service d’idées et de mécanismes qui sont l’exact opposé de ce qu’était sa vie.

Nous espérons que ce Cabaret-Cadeau dans ce lieu symbolique sera entendu comme un cri, un appel à la raison, à l’humanité, au dialogue et à l’intelligence. Nous espérons qu’il signera la fin d’une odieuse récupération qui, d’un fait divers tragique, a fait un événement qui nous concerne tous.

Toulouse le 06 novembre 2006, l’Atelier Idéal.

Qui parle ?

L’Atelier Idéal est l’association qui gère et anime les activités de cette ancienne chapelle située au 36 rue Danielle Casanova à Toulouse. Ce lieu était laissé à l’abandon depuis une quinzaine d’années quand l’association Planète en Danger décide de l’occuper contre l’avis de son propriétaire le 04 juillet 1993.
En février 93, un homme est mort dans cette chapelle : Jiri Volf, poète tchèque. Il y a vécu quelques mois. Il y a écris « La chapelle, c’est l’atelier idéal... ». C’est pour lui rendre hommage, et comme signe de notre écoute de ce que peuvent produire ceux qui vivent dans les marges, que notre association s’est donné comme nom « L’Atelier Idéal ».
Depuis plus de 13 ans, nous interrogeons dans ce lieu les pratiques dites alternatives à la société de consommation. Nous y accueillons de nombreuses associations qui par le biais de débats, projections, discussions, spectacles, performances, expositions ... questionnent les mécanismes de notre société et participent à l’ouverture de nos imaginaires. Les pratiques artistiques et culturelles sont au centre de nos préoccupations : « La poésie contre la marchandise, une ville à vivre et non à consommer ». Ce lieu que le code civil jugera illégal, Edouard l’estimait légitime.
C’est donc avec un grand respect et une chaleur toute particulière que nous accueillons ce « Cabaret Cadeau », et que nous nous associons à cet adieu à notre ami. Accueillir cet événement s’inscrit dans notre réflexion sur la violence dans notre société, et sur la place de cet avenir incontournable de tout être humain qu’est la mort.
Si nous posons par notre action dans ce lieu la question du manque d’espace où s’épanouit la vie, l’histoire de ce lieu questionne cette absence d’espace (dés que l’on quitte le cadre confessionnel) dédié au rite et au deuil.

Qui était Edouard Rihouay ?

Un jeune homme de 26 ans arrivé de Vannes (56) à Toulouse pour faire ses études. Il poursuivait un double cursus d’économie et de sociologie. Il était aiguillé par une réflexion naissante sur les enjeux de l’économie solidaire. _ Participant activement à la vie associative et culturelle, il fut pendant trois ans membre de REPLIQUES (association de théâtre étudiant de l’Université du Mirail crée en 1996) et en deviendra président en 2004. Il s’impliquera également dans le comité de gestion de la Maison des étudiants. Il s’intéressait à ces pratiques « alternatives ».

Il a découvert la Chapelle par le biais de REPLIQUES qui entretient une relation étroite avec l’association l’Atelier Idéal : périodes de résidence à la Chapelle, collaborations sur des chantiers artistiques communs, travaux d’entretien, engagement d’étudiants dans la vie de l’association, etc.

Il part ensuite à Montréal dans un projet de « bouffe collective », qui se donnait pour but de préparer des repas gratuits à partir de nourriture récupérée à la fin des marchés. Le mémoire de sociologie qu’Edouard s’apprêtait à soutenir à l’Université du Mirail était le fruit de ses « observations participantes » élaborées tout au long de cette expérience.

Rappel des faits, comment un fait divers devient un événement.
Fait divers : Un étudiant de 26 ans a été assassiné par un groupe de Sans Domicile Fixe sur le Pont Neuf à Toulouse le 12 septembre 2006.
Fait divers ? Le maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc rend un vibrant hommage à la victime, avec dépôt de gerbe médiatisé, sur le pont neuf et stigmatise la mendicité agressive qui envahit la ville. Il politise le drame en faisant référence à la mort d’Habib qui déclencha à l’époque des émeutes au Mirail. « A l’occasion de la mort de jeunes parfois délinquants, des manifestations ont été organisées ; je suis ému et choqué que rien de tel ne se soit produit à l’occasion de cet assassinat d’un jeune étudiant porté par un idéal généreux. » Dépêche du midi, 20 septembre 2006.
Fait divers : La famille n’est pas informée ni conviée à cet hommage ! « Je n’avais pas à demander l’autorisation de quiconque pour rendre un hommage à quelqu’un mort sur la place publique. » répond le maire, élu du peuple ! Dépêche du Midi, 28 septembre 2006.
Fait divers ? Le maire de Toulouse demande une audience auprès du ministre de l’intérieur, Mr. Sarkozy, afin de mettre en place sur sa ville les moyens nécessaires à la répression et à l’éradication des S.D.F. et autres « marginaux » de la ville.
Fait : La municipalité prend un arrêté anti-camping sauvage (un nombre important de personnes vivant sous tente à Toulouse travaille mais n’a pas les moyens de se loger !) ; Délibération du conseil municipal du 06 octobre 2006
Fait : La mairie annonce la création d’une nouvelle délégation municipale pour lutter « contre la marginalité agressive ». Cette délégation est confiée à Jean Diebold ! _ Elle a pour objectif d’examiner tous les moyens disponibles et de travailler avec les services sociaux et de police pour faire reculer ce phénomène.
Fait : La mairie se lance dans une lutte contre la marginalité agressive et n’hésite pas à inverser les priorités à travers les missions de la police municipale. La priorité numéro 2 de la police, après la circulation, devient : la gestion des S.D.F. en ville... Une brigade équipée d’un fourgon spécial tourne toutes les nuits dans dix points ciblés de la ville... « Il y a au centre ville des groupes de marginaux minoritaires que nous identifions et qui posent problème en raison de leur comportement. Nous faisons la différence entre eux et les S.D.F. qui méritent toute notre solidarité » Jean Diebold, La Dépêche du 26 octobre 2006.
Fait : La répression s’intensifie et s’élargit. Le 26 octobre 2006, « Le Clandé » lieu alternatif associatif et culturel occupé depuis 10 ans est évacué de ses occupants sans aucun ménagement ni préavis.
« Le renforcement des mesures municipales contre " la marginalité agressive " se traduit sur le terrain par une intensification des contrôles, des fermetures de squats et le durcissement des arrêtes municipaux portant sur l’alcool et l’occupation prolongée du domaine public » Dépêche du Midi 27 octobre 2006.
De nombreux squats d’habitation à travers la ville sont également évacués ou rasés.

Evénement : Des S.D.F., par une banderole sur la place publique, manifestent leur soutien à la famille et stigmatisent l’amalgame entre S.D.F. et meurtriers ! « Les SDF tiennent à témoigner leurs sincères condoléances à la famille de M. Rihouay Edouard. Cet acte nous a profondément choqués. Ce crime ne peut être lié à la mendicité ! Nous regrettons que de telles atrocités aient pu être commises par des SDF. » Banderole rue de Metz le 24 septembre 2006.
Evénement : « Le Clandé » est réinvestit le soir même de son évacuation par un groupe d’environ 200 personnes. Evénement : Face au climat de haine et de tensions qui se développe dans la ville, les S.D.F. stigmatisés comme des individus ingérables, dangereux, individualistes, entament un jeûne de protestation.
Ce dernier événement nous interpelle particulièrement. Que des êtres humains qui dorment dans la rue et tendent souvent la main pour manger utilisent cette forme extrême de la non violence, désigne bien la dérive de cette loi républicaine censée protéger les plus faibles et qui aujourd’hui sert à les opprimer !

Le Cabaret Cadeau (quelques mots des organisateurs).

Le choc suscité par le drame a poussé quelques amis d’Edouard à imaginer un « cabaret-cadeau » qui soit un temps de mémoire et de retrouvailles. Après les obsèques de Vannes, Toulouse ne devait pas devenir « la ville où Edouard a perdu la vie ». Il était urgent d’inviter tous ses proches dans cette ville où il avait vécu tant de choses.
L’idée est d’articuler cet hommage à celui déjà prévu par l’Université du Mirail dans le cadre du festival de théâtre universitaire « Scènes de rentrée », qui a lieu du 6 au 10 novembre.
Ce « cabaret » sera une succession de petits numéros joués, lus, chantés, en solo ou en chœur, par ceux et celles qui ont connu Edouard. Il se terminera par un repas élaboré, comme à Montréal, par le travail patient des glaneurs et des glaneuses.
Inutile d’en dire plus long sur le contenu de la soirée : le cabaret n’est pas public et n’appartient qu’à ceux qui le vivront. Il n’est ni un spectacle, ni une fête. C’est un cadeau offert à Edouard, par ceux et celles qui l’ont connu.


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