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Aucune lessive n’est biodégradable

Par Florence Amalou
Article publié le jeudi 26 octobre 2006.


Toutes les lessives sont toxiques pour l’environnement, y compris celles qui se présentent comme "vertes". Les conclusions des tests réalisés pendant deux ans par l’Institut national de la consommation (INC) et plusieurs agences de l’eau sont sans appel. La revue 60 millions de consommateurs en publie le résultat complet jeudi 26 octobre dans son numéro de novembre.

L’écotoxicité des bains de lavage (c’est-à-dire ce qui part vers l’égout une fois le linge lavé) de 35 lessives courantes a été analysée. Trois tests en laboratoire ont mesuré leurs effets sur la vie des microcrustacés et la prolifération des algues. Le contexte était celui d’un linge moyennement sale et d’une eau moyennement "dure". Les consignes de dosage des fabricants ont été respectées. Le résultat ? Toutes les lessives, liquides, en poudre ou en tablette, ont un effet destructeur ou perturbateur sur la nature quand elles sortent des stations d’épuration et se jettent dans les rivières et la mer.

Quatre lessives liquides (dont Epsil de Leclerc, Skip Air Activ’d’Unilever...) ont même été évaluées comme ayant un potentiel de "toxicité très élevé pour l’environnement". "On a calculé que, pour ces produits, il faudrait diluer 36 fois le bain de lavage pour qu’il se dégrade correctement dans la nature", affirme Robert Victoria, ingénieur à l’INC. "Nous avons un doute sur le protocole de test", réplique Sylvie Siest, la directrice scientifique d’Unilever France.

Difficile de préciser le diagnostic : des experts tentent d’établir des corrélations entre chaque molécule déclarée et sa toxicité. L’exercice est complexe, surtout "quand on ne connaît pas la liste complète des composants", dit M. Victoria.

La lessive est un produit sophistiqué qui contient de 15 à 25 molécules, souvent issues du pétrole. On peut citer les enzymes, qui digèrent les taches, ou les tensio-actifs (dont le plus ancien, le savon), qui mouillent les salissures puis les dispersent.

L’ÉCOLABEL "PAS SUFFISANT"

Si la plupart des détergents ne contiennent plus les phosphates qui mettent directement en danger la vie des poissons et sont à l’origine des odeurs nauséabondes des rivières (ils seront officiellement interdits le 1er juillet 2007), leur potentiel global de toxicité reste "élevé". C’est une surprise, d’autant plus grande que même les lessives présentées comme plus respectueuses de la nature (L’Arbre vert, Maison verte, Ecover) affichent elles aussi "une toxicité élevée".

A priori, Novamex (L’Arbre vert) est pourtant la seule entreprise française avec Salveco (Atout vert, non testé) à respecter le cahier des charges de l’écolabel défini par la Commission européenne depuis 1992 et identifié par un logo officiel. Après analyse, on découvre que celui-ci ne promet guère qu’une "réduction de produits issus de la pétrochimie", une "limitation des substances dangereuses pour l’environnement", une "biodégradabilité accrue", une "réduction des emballages" et... un "lavage efficace". D’autres produits, comme chez Maison verte, s’autodéclarent sur leurs étiquettes "sans phosphates", dotés d’une "biodégradabilité supérieure à la réglementation" et vendus dans "des emballages 100 % recyclables"...

En fait, ces marques "vertes" prennent en compte le cycle de vie global du produit (poids de l’emballage, écotoxicité de chaque ingrédient mais pas de l’ensemble, consommation d’énergie, production de déchets...). "On essaie de faire mieux que l’écolabel européen, qui va dans le bon sens mais qui n’est pas suffisant", fait valoir Gilles Olivier pour L’Arbre vert.

Mais est-ce suffisant, même quand, comme la marque Ecover, la lessive ne contient que des molécules issues du monde végétal ? Preuve est faite qu’en l’état ces affirmations ne constituent pas une garantie pour des clients qui pensent acheter des produits indolores pour la biodiversité. "Les consommateurs ont l’impression d’avoir des assurances, alors qu’il n’y en a pas", confirme Marie-Jeanne Husset, directrice de la rédaction de 60 millions de consommateurs.

Depuis octobre 2005, les exigences réglementaires en matière de biodégradabilité ont été rehaussées (biodégradabilité finale de 60 % en 28 jours), "mais cette barrière, trop basse, exonère des familles importantes de tensio-actifs", s’inquiète le collectif indépendant Excenevex, un regroupement de 60 scientifiques qui planche spécifiquement sur la question des produits d’entretien et du respect de l’environnement. Les seuls produits éconeutres seraient les "noix de lavage" indiennes. Problème : elles ont, selon l’INC, l’efficacité d’un simple brassage à l’eau chaude.


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