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(JPG) Les communistes, avec ou sans Marie-George Buffet

Article publié le samedi 21 octobre 2006.


Une présidentielle 2007 sans candidature communiste ? La question ne semble plus incongrue. Pour la première fois depuis trente ans, l’éventualité que le PCF s’efface derrière une autre candidature, si les collectifs de la gauche radicale décidaient de lui préférer José Bové, Clémentine Autain, Yves Salesse ou un autre outsider, est ouvertement discutée par les militants.

Après la divine surprise de la victoire du non au référendum européen de mai 2005, les communistes se sont découvert des affinités avec toute une galaxie de gauche non socialiste. L’éternelle alternative - alliance avec le PS ou candidature identitaire - est devenue caduque.

Le débat a traversé tout le parti et doit être tranché les 21 et 22 octobre, lors d’une conférence nationale réunie à Villejuif (Val-de-Marne). Faut-il présenter Marie-George Buffet dans le cadre du "rassemblement antilibéral" ou accepter de se faire représenter par un autre candidat ? Faut-il maintenir une candidature PCF coûte que coûte ? Absent aux présidentielles de 1965 et 1974, le PCF s’est toujours présenté depuis sous ses propres couleurs. Tour de piste avant le choix décisif dans trois bastions historiques du parti.

Quartier de la Rose à Marseille, ancien fief de Guy Hermier, figure du communisme marseillais, mort en 2001. La cité du Frais Vallon, hautes tours en lente dégradation, jouxte un quartier en pleine rénovation. Ce lundi 16 octobre, 25 militants sur les 120 cotisants ont fait le déplacement. Têtes grisonnantes, peu de femmes. La position du parti de présenter Mme Buffet comme candidate du rassemblement occupe la majeure partie de la discussion. "PEUR QU’ON FERME LA PORTE"

Liliane Chouraqui, retraitée de la Poste, au long passé communiste, s’estime "satisfaite" de la ligne de la direction : "J’avais peur qu’on ferme la porte qu’on avait ouverte après le 29 mai, souffle-t-elle d’entrée. Le parti ne peut pas exister pour lui-même et se taper sur la poitrine en disant ’on est les meilleurs’. Ça a été l’engagement de toute ma vie, mais il faut qu’il change." Mais très vite, elle précise : "J’ai du respect pour l’action que mène Marie-George : elle est très capable de mener la campagne, mais ce ne sera pas forcément elle. L’important, c’est de rassembler pour faire changer la vie des gens." L’assemblée sourit, Liliane a longtemps été un pilier de la ligne.

Gilles Lebolay, retraité et président d’une association de locataires dans une cité HLM, embraye : "J’ai une préférence de coeur, c’est Marie-George. Mais est-ce que tous les autres suivront ?", interroge-t-il, raide dans son polo crème.

"Si c’est elle qui était retenue par les collectifs, je serais satisfaite, sinon je n’en serais pas surprise ni déçue", assure Catherine Pontais, professeure de sport, la cinquantaine. "Après l’expérience de la gauche plurielle, nous ne sommes pas forcément perçus comme une garantie de crédibilité."

D’autres préfèrent la boutade pour faire sortir leur aveu : "On a toujours dit que ce n’est pas la personne qui compte mais le programme. On a bien voté pour Chirac, pourquoi on ne pourrait pas voter pour une autre candidature que la nôtre si on défend les mêmes choses ?", lance Sébastien Tomasi, maçon à la retraite, de sa voix rocailleuse. L’assistance s’agite, presque choquée, mais finit par rire.

Moins surprenant, la tonalité était identique à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), une semaine plus tôt. Le député rénovateur Patrick Braouezec écoute la cinquantaine de participants rassemblés à la Bourse du travail. La section est acquise à l’"ouverture du parti", qu’il prône depuis longtemps, mais aussi très attachée à l’identité communiste. ANCIENS ET MODERNES

Jean-Claude Cluzel, enseignant à la retraite, se lève : "Je vous avais prévenus : si on veut que le rassemblement soit efficace, cela ne peut pas être Marie-George. Et si le parti décide quand même d’y aller, on ira à la catastrophe", assène ce vieux militant. Pour Serge Mairesse, salarié à l’aéroport de Roissy, c’est la conception même du parti qui est en débat : "Ça fait vingt-cinq ans que je suis communiste. J’ai fait la campagne de Marchais, puis Lajoinie. Hue je n’ai pas pu... Si on en est encore à l’idée du parti au coeur du rassemblement, moi je ne reviens plus !", s’énerve-t-il, tout rond dans son bleu de travail.

Face aux "vieux" qui monopolisent les premières interventions, Benoît Roblin, assistant social, la trentaine, se risque : "Je n’ai jamais vu le parti aussi fort que dans la campagne unitaire du 29 mai. Je vous rappelle que, tout seul, le parti a fait 3,34 % en 2002."

Mardi 17 octobre, Vierzon (Cher). Dans cette ville ouvrière, le PCF demeure une force politique qui pèse. 65 militants se sont déplacés. Une majorité de cheveux gris mais un plaisir manifeste d’être là, ensemble, de discuter du prochain match de foot ou de la cueillette des champignons, exceptionnelle cette année. "D’accord, nous, on ne peut pas faire autrement que désigner un candidat communiste, et tant mieux si c’est Marie-George. Mais, après, si notre proposition n’est pas retenue par les collectifs du non, on retourne à notre boutique ? Moi, je préfère une force antilibérale qui pèse face au PS qu’un petit score communiste", prévient Annie Fadeau, fonctionnaire territoriale.

Jean-Luc Marty, la cinquantaine, chemise en jean, veut encore croire à l’"utilité de Marie-George", mais lui non plus n’est pas prêt à prendre le risque de l’isolement politique : "Elle est un atout, essayons de la défendre. Mais il faut dire en même temps que, si ce n’est pas elle qui est désignée, on reste avec les autres !"

"On s’est mis une balle dans le pied en disant ’c’est Marie-George sinon rien’", admet Pascal Poupat, roulant à la SNCF. Les militants n’y croient pas eux-mêmes, et le matériel - tracts et affiches à l’effigie de la candidate - est resté dans les cartons.

Michel Touzeau, retraité de l’industrie mécanique sonne la fin du débat avant l’apéritif : "En tout cas, on ne va pas foutre un an de boulot en l’air parce qu’il y a quelques staliniens qui se crispent."

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