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Alimentation : comment détecter les OGM ?

Article publié le dimanche 15 octobre 2006.


L’industrie agroalimentaire sait-elle contrôler les OGM ?
La question se pose, alors que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a rendu public, mercredi 11 octobre, le bilan annuel de ses contrôles. En 2005, sur 69 échantillons prélevés dans des produits alimentaires, 17 contenaient des traces d’organismes génétiquement modifiés. Leur quantité était cependant inférieure au seuil réglementaire de 0,9 %. Cette publication intervient alors que du riz transgénique a été découvert cet été dans les circuits commerciaux, comme le confirme la DGCCRF. Mais cet épisode n’est que le plus récent d’une série commencée depuis plusieurs années.

En 2000, des semences de colza transgénique non homologué avaient été vendues en France par la société Advanta, ainsi que des semences de soja OGM d’Asgrow, filiale de Monsanto. En 2001, un maïs dit Starlink, interdit à la consommation, avait été retrouvé dans des chips aux Etats-Unis, ce qui avait provoqué un retrait massif du produit.

En avril 2005, on découvrait qu’un maïs Bt (comme Bacillus thurengiensis, la bactérie d’où provient le gène introduit) non autorisé en Europe y avait été importé, tandis qu’en Chine, du riz transgénique était détecté dans des produits alimentaires. Enfin, en juillet dernier, c’est une variété de riz non homologué produit par Bayer qui s’avérait mélangée à du riz conventionnel : depuis, de multiples contrôles ont révélé des contaminations dans plusieurs pays d’Europe, dont la France. Début septembre, Greenpeace et les Amis de la Terre ont, à leur tour, annoncé que des analyses sur des produits alimentaires à base de riz importé de Chine démontraient, elles aussi, des traces de contamination.

Ces dérapages posent de façon aiguë la question de la détection des OGM. Pour les plantes transgéniques autorisées, les choses sont relativement simples. Depuis 2004, la réglementation européenne fait obligation aux producteurs d’OGM de communiquer les éléments permettant d’identifier ces produits lorsqu’ils sont commercialisés. "Auparavant, les laboratoires avaient d’énormes problèmes pour surveiller le marché, se souvient Guy van den Eede, chef du laboratoire de la Commission européenne, qui, à Ispra (Italie), met au point les protocoles de détection. Il nous a fallu négocier pendant des années auprès des firmes pour obtenir ces informations."

En témoigne la confusion entre deux maïs aux propriétés "insecticides" très proches, le Bt 10 et le Bt 11 de Syngenta, dont l’un était autorisé et l’autre non. Entre 2001 et 2005, 150 000 tonnes de céréales illégales ont été produites outre-Atlantique, dont une partie a été exportée vers l’Europe, avant que la méprise ne soit révélée.

Désormais, chaque variété doit être identifiable. Face à un produit de composition indéterminée, comme de la farine, les contrôleurs peuvent, par le repérage des séquences d’ADN propres à chaque espèce, vérifier, par exemple, s’il s’agit uniquement de maïs ou si des traces de soja s’y trouvent. Ils recherchent la présence d’OGM dans l’échantillon, grâce à des séquences spécifiques, appelées "promotrice" et "terminatrice".

On peut pousser les investigations plus loin et identifier la variété d’OGM elle-même si l’on dispose des séquences fournies par les producteurs. La quantification est la dernière étape des tests, puisqu’au-dessus d’un seuil de 0,9 % de présence fortuite d’OGM, le produit alimentaire doit être étiqueté comme tel.

Pour des produits très transformés, comme les huiles ou les arômes, où il ne subsiste pas d’ADN, cette quantification est impossible. La preuve de l’absence d’OGM est alors administrative, via la mise en oeuvre de la traçabilité des produits de base employés, elle aussi encadrée par une directive européenne.

En France, plusieurs laboratoires publics sont chargés du contrôle. Celui de la DGCCRF, situé à Strasbourg, réalise environ 350 tests par an. "C’est très peu, mais nous ciblons essentiellement les matières premières, afin d’être le plus en amont possible d’éventuelles contaminations", précise Patrick Philippe, responsable de l’unité biologie du laboratoire. Celui-ci sait identifier un soja transgénique, dix maïs et cinq colzas. Mais, jusqu’alors, il ne s’intéressait pas au riz...

A Orléans, le laboratoire de la direction générale de l’alimentation (DGAL) analyse les semences importées, tandis que le laboratoire semi-public du Groupe d’étude et de contrôle des variétés et des semences (Geves) étudie celles qui doivent être inscrites au catalogue des espèces cultivées.

De leur côté, pour faire prévaloir la qualité de leurs productions, les acteurs de l’agroalimentaire font appel à des laboratoires privés, comme le laboratoire Eurofins, à Nantes. "La filière - semenciers, importateurs, distributeurs - cherche aussi à faire les contrôles en amont, afin d’éviter de coûteux retraits de produits, témoigne François Vigneau, directeur exécutif du laboratoire, qui réalise "plusieurs dizaines de milliers de tests par an". Au total, tous ces tests représentent un coût considérable, chaque opération revenant à près de 10 euros.

La complexification énorme des procédures de contrôle depuis moins de dix ans a, en tout cas, eu un effet sur l’ensemble de la distribution alimentaire. Comme le note Yves Bertheau, chercheur à l’INRA, qui coordonne le programme européen d’étude sur la coexistence entre les filières OGM et conventionnelles, "les OGM ont servi de modèle pour toutes les autres filières, et les méthodes pour les détecter ont servi pour détecter d’autres contaminants, tels que les mycotoxines".

Pour les OGM autorisés, les procédures semblent rodées. En revanche, face à des OGM non identifiés, comme les riz américain et chinois, les contrôleurs sont plus démunis et contraints de procéder par élimination : tout OGM ne faisant pas partie des plantes autorisées est rejeté. "Mais pour identifier une semence spécifique, il faut parfois quinze analyses, regrette Yves Bertheau. Il faudrait améliorer les méthodes afin de réduire le processus à une étape, mais ce n’est pas prévu par la réglementation".

Les laboratoires mettent donc en place des réseaux d’information pour échanger des données parfois confidentielles. Le protocole international sur la biosécurité prévoit expressément la mise en commun de ces informations. Mais la banque de données prévue n’est pas opérationnelle. Et les Etats-Unis, premiers producteurs d’OGM, ne sont pas signataires du protocole.

"Globalement, les opérateurs n’ont pas intérêt à frauder s’ils veulent conserver les marchés", note cependant Yves Bertheau. Les autorités américaines ont montré récemment de l’intérêt pour la réglementation européenne sur la traçabilité. Et la pression des distributeurs américains, échaudés par quelques retraits de produits, pourrait faire bouger les lignes.

Une difficulté particulière se pose pour les semences : alors que pour l’alimentation, un seuil de 0,9 % de présence fortuite d’OGM a été arrêté, aucune directive européenne ne fixe le seuil admissible pour les OGM non autorisés venant contaminer les semences.

En principe, aucune trace ne devrait être tolérée dans les échantillons de semence analysés : c’est la position suivie par l’Italie ou la Grèce. Mais les inspecteurs de Grande-Bretagne ou des Pays-Bas admettent un taux de 0,5 % de présence fortuite. En France, la DGCCRF se range à la position la plus stricte, mais la DGAL admet un taux de 0,1 %.

Cette attitude, qui peut entraîner la pollution des semences de l’agriculture biologique, est critiquée par les promoteurs de cette filière. En revanche, pour les semenciers conventionnels (ni OGM ni biologiques), cette tolérance est indispensable pour baisser leurs coûts face à des concurrents américains qui ne subissent pas une telle contrainte. "Il nous serait indispensable de savoir dans quel cadre juridique on travaille", estime Philippe Gracien, porte-parole du Groupement interprofessionnel des semences (GNIS). Ce flou ne peut en effet qu’entretenir les polémiques et l’inquiétude du consommateur.

http://lemonde.fr


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