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Les Mers et zones côtières concentrent toujours le plus fort de la pollution humaine

Par C. Seghier
Article publié le mardi 10 octobre 2006.


Si quelques chiffres y sont encourageants, le rapport du Programme Global d’Action sur les mers du PNUE montre que celles-ci concentrent toujours les pollutions et donne les orientations pour éviter qu’elles ne deviennent les poubelles de l’humanité.

Le bon état des zones côtières et la salubrité du milieu marin sont indispensables pour le bien être des populations, le développement durable et la sécurité économique. Les écosystèmes marins et côtiers remplissent des fonctions importantes et fournissent toute une gamme de biens et services allants des produits alimentaires aux possibilités de tourisme et de loisirs en passant par les systèmes de transport et la protection naturelle du littoral contre les tempêtes et inondations. Pourtant la pression exercée sur ces ressources naturelles n’a cessé de croître.

Aujourd’hui, alors que des progrès encourageants ont été réalisés au niveau des polluants organiques persistants (POP), des substances radioactives et des pollutions pétrolières, d’autres sont peu encourageants comme celui des eaux usées, des nutriments, des macro-déchets et de la destruction des habitats. C’est ce qui ressort du Rapport sur l’état de l’environnement marin* divulgué par le Programme des Nations unies pour l’environnement(PNUE), le 3 octobre dernier, dans le cadre du Programme Global d’Action (GPA/PGA) sur les mers.

Selon ce rapport et à titre d’exemple, plus de la moitié des eaux usées déversées dans la Méditerranée ne sont pas traitées. En Europe centrale et de l’Est, si un quart de la population est connecté à un réseau d’assainissement, de nombreuses grandes villes déversent des effluents quasi-bruts. Près de 60 % des eaux usées rejetées dans la Mer Caspienne ne sont ainsi pas épurées. En Amérique latine et dans les Caraïbes, le chiffre est plus proche de 85 % ; en Asie de l’Est, il atteint 90 %, et 80 % en Afrique centrale et de l’Est. Dans le Sud-Est Pacifique, il dépasse 80 %. Quant à l’Asie occidentale, dans des pays comme l’Arabie Saoudite, Bahreïn, l’Irak, l’Iran, le Kuwait, et les Émirats arabes unis, il existe des stations d’épuration dans chacun des pays, mais la qualité d’assainissement varie et la capacité est insuffisante pour répondre aux besoins actuels.

Mondialement, il faudrait investir 56 milliards de dollars supplémentaires pour s’attaquer aux problèmes des eaux usées. En fin de compte, ce dernier est peut-être le plus sérieux de tous les problèmes que doit combattre le GPA. C’est également le domaine dans lequel on remarque le moins de progrès, note le rapport.

L’excès de nutriments est également un problème. Sont essentiellement visés les azotes et phosphores provenant du ruissellement d’engrais agricoles, de fumier, des eaux usées et de la combustion de carburants fossiles, qui nuit aux poissons, aussi bien sauvages que d’aquaculture et mène à la dégradation d’herbiers marins et de récifs coralliens tout en favorisant l’efflorescence d’algues toxiques. Alors qu’autrefois, le problème se cantonnait principalement aux pays développés, aujourd’hui il s’étend graduellement aux pays en développement. En 2001, l’efflorescence d’algues toxiques, communément appelée « marée rouge » a affecté 15.000 kilomètres carrés des eaux du littoral de la Chine. Des problèmes semblables sont aujourd’hui enregistrés dans les estuaires et les zones côtières des Philippines.

Quant aux macro-déchets, le problème s’aggrave progressivement, malgré les efforts entrepris aux niveaux national et international pour le maîtriser, note le rapport.
Les auteurs rappellent aussi que près de 40 % de la population mondiale vit sur des bandes côtières étroites qui ne représentent que 7,6 % de la surface terrestre. Et ce chiffre devrait augmenter puisque de 77 habitants/km2 en 1990, la densité devrait y atteindre 115h/km2 en 2025. Cette hausse aura logiquement des répercussions importantes liées à la multiplication des établissements, à la surexploitation des ressources marines, à la perte et dégradation des écosystèmes.

Le rapport est mitigé quant aux progrès réalisés en matière de métaux lourds et de mobilisation de sédiments. Même si des mesures régissant l’utilisation d’une grande variété de métaux lourds ont été mise en place dans la plupart des pays développés, des quantités additionnelles d’éléments comme le mercure par exemple continuent à apparaître dans l’environnement marin. Celles-ci proviennent essentiellement d’opérations minières et industrielles et de la combustion de carburants fossiles dans les économies émergentes. Selon le rapport, la santé publique dans l’Arctique est particulièrement préoccupante. Dans certains endroits, les concentrations de mercure chez le phoque annelé et la baleine blanche sont deux à quatre fois supérieures à celles d’il y a 25 ans. Dans le cas d’autres métaux lourds, comme la platine et le rhodium liés au développement des pots catalytiques automobiles, les taux détectés sont plusieurs fois supérieurs à ceux enregistrés il y a quelques décennies.
Si les quantités de plomb, de cadmium et de mercure déversées dans la Mer du Nord ont baissé de 70 %, les objectifs relatifs à d’autres substances comme le cuivre et le tributylétain, utilisé comme agent antisalissure pour bateau, n’ont pas été atteints. De plus, ces progrès en termes de rejets de cadmium, de mercure et de plomb ne sont malheureusement pas généralisés : la situation de la Mer caspienne reste inquiétante. En effet, selon les estimations, 17 tonnes de mercure et près de 150 tonnes de cadmium y sont déversées annuellement. De même pour la Mer d’Asie de l’Est, où des quantités croissantes de déchets électroniques qui peuvent concentrer jusqu’à 1000 matériaux souvent toxiques, constituent un problème de plus en plus important. On estime par ailleurs que jusqu’à neuf millions de piles électriques y sont jetées chaque année.

Parallèlement, le rapport avertit de l’émergence de nouveaux éléments inquiétants comme par exemple, la réduction du débit des fleuves en raison de barrages, les émissions de nouvelles séries de produits chimiques, l’augmentation du niveau de la mer associée aux changements climatiques. Les chercheurs appellent également à améliorer la surveillance et la collecte d’information dans certaines régions, y compris en Afrique, où existent de grandes lacunes en terme de connaissances et de données concrètes sur le niveau de la pollution marine.

Dans ce tableau plutôt sombre émergent tout de même quelques données encourageantes comme la réduction des pollutions aux hydrocarbures. En général, la contamination par des produits pétroliers est à 37 % des niveaux de 1985, les déversements accidentels ont baissé de 75 % et les déversements opérationnels de 95 %. Quant aux effluents municipaux et industriels, ils auraient chuté de 90 %.
Autre motif de satisfaction : la réduction des polluants organiques persistants, contrôlée depuis 2001 dans le cadre de la Convention de Stockholm. La situation diffère cependant selon les endroits. Dans le Nord-Est Atlantique, la concentration de nombreux polluants organiques persistants est en baisse, quoique certains contaminants comme les PCBs, dépassent encore les limites de l’Union Européenne. En revanche, en Méditerranée occidentale et dans l’Arctique, des polluants organiques persistants, récents et anciens, s’introduisent toujours dans la chaîne alimentaire humaine par le biais des poissons et des phoques. Selon le rapport, l’état de certaines régions d’Asie du sud-est et du Pacifique austral reste également préoccupant. En Malaisie et en Thaïlande par exemple, dans les systèmes fluviaux et les sédiments, le niveau de contamination par certains produits chimiques persistants demeure élevé.
Enfin, la baisse significative des cas de contamination marine par des effluents radioactifs constituent un autre succès, d’après les auteurs, grâce à la Convention de Londres qui en interdit les rejets depuis 1993, même si, selon le rapport, le déversement d’effluents nucléaires continue toutefois dans certains endroits autorisés tels que Sellafield (Grande-Bretagne), La Hague (France), Trombay (Inde) et Tokimura (Japon).

Le rapport sera présenté à Pekin (Chine) du 16 au 20 octobre prochain aux gouvernements participant à la réunion intergouvernementale chargée d’examiner les 10 ans de mise en œuvre du GPA. Le Programme Global d’Action du PNUE a en effet été adopté par les gouvernements en 1995 pour aider les gouvernements à combattre les problèmes clés qui menacent le littoral. Actuellement, plus de 60 pays de tous les continents participent officiellement à cet effort international. Parmi eux, plusieurs ont intégré le GPA à leur stratégie nationale de développement et d’autres collaborent avec des pays frontaliers pour mettre en œuvre une gestion intégrée des zones côtières. Mais, comme le démontre le nouveau Rapport sur l’état de l’environnement marin, [...] nous avons donc un long chemin à faire aussi bien du point de vue politique, que technique et financier, si nous voulons léguer des océans et mers sains et productifs aux générations futures, affirme M. Steiner, Directeur exécutif du PNUE.

http://www.actu-environnement.com/ae/news/1980.php4


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