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(JPG) Les eaux superficielles et souterraines de France sont toujours autant polluées par les pesticides

De F. LABY
Article publié le lundi 28 août 2006.


Alors que le gouvernement vient de présenter son plan de réduction des risques liés aux pesticides, le rapport annuel de l’Ifen sur la qualité des eaux en 2003 et 2004 montre une qualité globale qui n’évolue pas au regard des années précédentes.

La qualité globale des cours d’eau et des eaux souterraines est évaluée selon des grilles de notation qui intègrent plusieurs critères à mesurer rattachés à l’usage en eau potable et, pour les cours d’eau, aux besoins de la vie aquatique. La mesure des pesticides est l’un de ces critères de notation. Les eaux superficielles sont classées en cinq catégories : de Très Bonne Qualité à Mauvaise Qualité en passant par Bonne, Moyenne, Médiocre. Ainsi un cours d’eau de très bonne qualité permet la vie des organismes aquatiques et la production d’eau potable alors qu’un cours d’eau de mauvaise qualité ne peut plus satisfaire les équilibres écologiques ou la production d’eau potable. Les eaux souterraines sont classées en trois catégories : qualité Bonne, Médiocre ou Mauvaise. Ainsi, une eau souterraine de bonne qualité ne nécessite pas de traitements spécifiques aux pesticides pour produire de l’eau potable, une eau de qualité médiocre nécessite un traitement spécifique et une eau de qualité mauvaise est inapte à la production d’eau potable sauf autorisation exceptionnelle du ministère chargé de la Santé.

Depuis 1998, l’Institut Français de l’Environnement (Ifen) a développé un système d’information permettant d’établir régulièrement un état de la contamination des eaux par les pesticides. Cette évaluation de la contamination des milieux aquatiques permet d’attribuer une classe de qualité à chaque point de mesure réparti sur tout le territoire que ce soit pour les eaux de surface ou les eaux souterraines.
Comme chaque année, l’Ifen vient de publier les résultats des mesures effectuées en 2003 et 2004 sur plus de 10.000 stations de surveillance. Bien que ces points ne constituent pas un échantillon entièrement représentatif de l’ensemble des cours d’eau et des nappes souterraines du territoire national, ils permettent néanmoins de donner un aperçu de la contamination des eaux par les pesticides. Plusieurs molécules actives de pesticides sont recherchées et leur concentration mesurées.

Selon le rapport de l’Ifen, la contamination par les pesticides concerne l’ensemble du territoire, métropole et départements d’outre-mer (DOM). Elle touche aussi bien les eaux superficielles que les eaux souterraines, préférentiellement au niveau des zones anthropisées par l’agriculture et par l’urbanisation.
Les résultats de 2003 et 2004 sont globalement semblables aux années précédentes. Chaque année, dans environ 50 % des stations de mesures en eaux de surface, les limites de 0,7 g/l pour au moins une substance et/ou de 2 g/l pour la somme des concentrations des différentes substances présentes simultanément dans l’eau, ont été dépassées au moins une fois. Ceci signifie qu’environ 50 % des cours d’eau analysés ont une qualité moyenne voire mauvaise. En ce qui concerne les eaux souterraines, environ 30 % des nappes souterraines analysées ont une qualité médiocre à mauvaise pour l’usage en eau potable et nécessiteraient un traitement d’élimination des pesticides si elles étaient exploitées pour la production d’eau potable.
Dans les DOM, les données proviennent principalement des stations de surveillance des sources d’eau potable et sont très peu nombreuses. Cependant les premiers résultats d’analyses traités démontrent que malgré son interdiction depuis 1993, les niveaux de contamination des eaux par le chlordécone restent élevés dans les Antilles.

Même si l’Ifen se veut prudent en précisant qu’il y a de nombreux biais possibles dans les mesures, il semble que la qualité des eaux stagne, ce qui laisse présager que l’objectif européen de bonne état écologique des masses d’eaux pour 2015 fixé par la directive-cadre sur l’eau (DCE), sera difficilement atteint par la France.

Néanmoins l’Ifen se veut optimiste en précisant que la mise en place du système d’information sur l’eau et des contrôles de surveillance prévus par la directive cadre engendrera des progrès significatifs sur les données de contamination des eaux par les pesticides. En particulier au niveau de la représentativité spatiale des stations de mesures, de l’homogénéisation de la qualité des données et sur les durées de mise à disposition de l’information au niveau national.
Mais qui dit progrès sur les données ne dit pas systématiquement amélioration de la qualité de l’eau. Néanmoins les méthodes de mesure évoluent et se font de plus en plus complètes. Le nombre de molécules recherchées continue à croître : en eaux superficielles, 459 substances différentes ont été recherchées en 2004 contre 408 en 2002. En eaux souterraines, 417 substances différentes ont été recherchées en 2004 contre 373 en 2002.
Les substances les plus quantifiées en 2003 comme en 2004 dans les eaux superficielles sont le glyphosate et son métabolite l’AMPA, l’atrazine et ses deux métabolites (atrazine déséthyl et la 2-hydroxy atrazine), le diuron, l’isoproturon et l’aminotriazole.
Les substances les plus quantifiées en 2003 comme en 2004 dans les eaux souterraines sont l’atrazine et ses trois métabolites (atrazine déséthyl, l’atrazine déisopropyl et la 2-hydroxy atrazine), la terbuthylazine déséthyl qui est un métabolite de la terbuthylazine, la simazine, l’oxadixyl et le diuron.

Mais si on connaît de mieux en mieux certaines molécules utilisées depuis longtemps en agriculture, ce n’est pas le cas pour toutes les nouvelles substances mises sur le marché et souvent plus toxiques à faible dose. Le plan interministériel de réduction des risques liés aux pesticides présenté le 28 juin dernier doit d’ailleurs permettre d’améliorer les connaissances et la transparence en matière d’impact sanitaire et environnemental des substances. De même, l’observatoire des résidus de pesticides (ORP) dont la coordination technique a été confiée à l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Afsset), constitue l’un des éléments clefs de ce dispositif. Il doit permettre de rassembler et valoriser les informations sur la présence des pesticides dans l’environnement afin de caractériser l’exposition de la population et des écosystèmes.
Du côté de CAP 21, la réaction est moins optimiste. Le parti écologiste déplore que le plan interministériel de réduction des risques liés aux pesticides ne soit pas de nature à enrayer cette dégradation inexorable des ressources en eau. En effet, celui-ci ne fixerait pas de véritables objectifs de réduction et se contenterait d’études ou de mesurettes. Seule la mise en place d’une politique de soutien à l’agriculture biologique et aux systèmes de production intégrés apparaissent véritablement efficaces pour supprimer ou réduire l’utilisation des pesticides de synthèse. Cette politique pourrait être complétée par l’instauration d’une taxe suffisamment dissuasive sur les pesticides calquée sur l’expérience danoise.

Même suspicion du côté du Mouvement pour le Droit et le Respect des Générations Futures (MDRGF) : ce n’est pas le plan interministériel pour la réduction des risques liés aux pesticides, totalement inconsistant, présenté début juillet, sans réduction globale des quantités de pesticides employées, qui va améliorer les choses ! La loi sur l’eau, qui prévoit de faire contribuer les agriculteurs à hauteur de 4% seulement des budgets des agences de l’eau, sera également sans effet sur cette pollution dramatique, commente F. Veillerette, Président du MDRGF.

http://www.actu-environnement.com/ae/news/1876.php4


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