Accueil du site Energie
 

La fièvre du biodiesel s’est emparée du Brésil

(JPG) par Annie Gasnier
Article publié le dimanche 13 août 2006.


près la canne à sucre, l’or, le coton ou encore le café, le Brésil connaît la fièvre du biodiesel. Une loi, signée en 2004 par le président Luiz Inacio Lula da Silva, rendra obligatoire, à partir de 2008, l’adjonction de 2 % de biocarburant à un litre de gazole. D’ici là, le pays doit donc multiplier par quatre sa production actuelle, de 200 millions de litres.

Le biodiesel est un carburant élaboré avec des oléagineux. Les plus utilisés, aux Etats-Unis et en Europe, sont le soja et le colza. Mais les Brésiliens veulent tirer profit de leurs plantes tropicales faciles à cultiver par les petits agriculteurs.

Le président Lula, qui brigue un second mandat, tient à ce projet. "J’ai toujours pensé que le biodiesel allait résoudre le problème des petits agriculteurs, je suis sûr qu’il est le pétrole de demain", affirme-t-il. Il se dit prêt à anticiper l’application de la loi, car la production de biodiesel est désormais en hausse constante. 600 stations d’essence commercialisent déjà le nouveau mélange.

Dans une région pauvre du Brésil, la compagnie pétrolière Petrobras s’est lancée dans une expérience novatrice qui mobilise 5 000 familles d’agriculteurs. "Nous avons le puits de pétrole que tout le monde rêve d’avoir dans son jardin, et en plus, inépuisable !", se réjouit Livania Frizon, de l’"agro-village" de Canudos, une exploitation collective située à Ceara Mirim, à 100 kilomètres de Natal, la capitale de l’Etat du Rio Grande do Norte.

A côté des rangées de papayes, de bananiers et de manioc, les fermiers ont planté plusieurs hectares de "pinhao manso" (Jatropha curcas), un arbre originaire de cette région semi-aride, dont le fruit contient 38 % d’une huile destinée à l’élaboration de biodiesel.

Même dans le sol sablonneux, ce végétal produit trois tonnes de graines à l’hectare et offre deux récoltes annuelles. "Le soleil, considéré ici comme un châtiment pour l’agriculture, est désormais une bénédiction", explique Livania. Petrobras avait fourni à la coopérative les graines qui sont devenues, à Canudos, 1 200 pieds de "pinhao manso".

Aux 142 familles de petits agriculteurs de Palheiros III, une autre communauté rurale près d’Upanema (à 250 kilomètres de Natal), la compagnie pétrolière a fourni des graines de ricin. Assis Gama, le président de Palheiros III, fait visiter avec fierté la plantation de 300 hectares de ricin. "Ça ne demande guère d’entretien, et, en deux ans de vie utile, un pied donne six récoltes, explique-t-il. Ça permet de valoriser des surfaces non entretenues, à côté de nos cultures maraîchères et fruitières."

Le ricin, qui pousse sur les terrains vagues, assure un complément de revenus aux petits paysans. Ces derniers sont encouragés par Brasilia à mettre en valeur la terre qui leur a été remise au moment de la réforme, grâce aux crédits destinés à l’agriculture familiale.

"Notre défi est d’organiser la production de la matière première, car nous aurons bientôt une grande usine de biodiesel dans le Rio Grande do Norte, et sûrement une dans chaque Etat du Brésil", estime Ulisses Soares, géologue chez Petrobras depuis vingt ans.

"RECHERCHE INTENSE"

Le site où convergent les récoltes des petits agriculteurs n’est encore qu’expérimental. Il n’occupe que quelques hectares dans l’immense raffinerie de Guamaré. Le processus d’industrialisation, entièrement novateur, a requis un investissement de huit millions d’euros de la part de Petrobras. "Personne n’a jamais réussi à élaborer le biodiesel à partir de la graine de mamona, ou autres, mais seulement à partir de l’huile", explique Mauro Silva, l’ingénieur responsable des tests. Commencés en juillet, ils devraient durer dix-huit mois. Un test sur 100 tonnes d’oléagineux différents sera réalisé chaque mois, car le but, à Guamaré, est de produire un biodiesel peu coûteux et fiable.

"Il y a une recherche intense, avec le ricin et le piao manso adaptés sous l’équateur, mais aussi avec l’huile de palme, ou encore le sébum bovin, en plus de l’éthanol produit par la canne à sucre", souligne l’agronome Paulo Morelli, chargé de superviser les programmes de biodiesel au ministère de l’agriculture, à Brasilia. N’ayant pas l’ambition de devenir un "émirat du biodiesel", le Brésil veut partager ses recherches avec des pays tropicaux qui pourraient, eux aussi, profiter du biodiesel, comme l’Angola, la Thaïlande, ou l’Inde.

www.lemonde.fr


Répondre à cet article

Forum de l'article