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(GIF) Ecovillages : utopie ou réalité ? - 2ème partie : Acteurs du village ?

Article publié le mercredi 21 juin 2006.


« Au village sans prétention, j’ai mauvaise réputation... ». Un écovillage qui s’installe fait souvent l’objet de rumeurs. Les locaux ne voient pas toujours d’un bon œil l’arrivée des ces « étrangers » qui ne veulent rien faire comme tout le monde. Mais, au-delà de l’incompréhension et de l’indifférence, les écovillages peuvent aussi susciter l’enthousiasme des communes.

« En France, la suspicion à l’égard des modes de vie différents et la législation sont des freins au développement d’alternatives. Le schéma productiviste dominant fait obstacle à la pluriactivité et à l’agriculture vivrière », dénonce Jean-Luc Girard de la revue Passerelle Éco. Suspicion, le mot est lâché. De la mairie aux agriculteurs en passant par les néo-ruraux, les écovillages et autres lieux de vie alternatifs y échappent rarement. « J’étais prof de yoga (...), ça a suffit pour que l’on me considère comme une secte » se souvient Annie Aubrun de la Maison d’Ici et Maintenant.

Au domaine de Valensolette, la fourgonnette peinte des habitants leur a été fatale. « Ils se sont repliés sur eux-mêmes, il n’y a pas eu assez d’efforts pour s’intégrer », dénonce Marcel Charran, le propriétaire du lieu. « On est considéré comme des hippies par les locaux, en particulier les néo-ruraux. Par contre, les communautés hippies de la vallée nous traitent de productivistes », s’amuse Katia, de la ferme de Cravirola, dans la commune de La Brigue. « Nous avons eu peu de contact avec eux. Les échos sont ni bons ni mauvais », assure Jean-Pierre Bronda, le maire. Récemment, il a reçu une invitation de leur part pour un événement culturel et à la dernière fête du village, Cravirola avait son stand de fromage. Pourtant, le maire ne considère pas qu’ils participent au développement local : « Ils s’occupent de leur développement, pas du nôtre. Je ne crois pas que beaucoup de personnes aillent là haut : après le trajet en voiture, il faut encore marcher vingt minutes ». Vingt minutes qui n’ont pas pas découragé les quelques trois cents personnes venu pour le festival multiculturel que l’équipe de Cravirola avait organisé.

Bourbier administratif Lorsqu’en 1992, cinq squatters parisiens achètent une bâtisse et son demi-hectare dans la vallée abandonnée de la Vieille Valette (Cévennes), pour en faire un espace rural de création artistique, ils ne se doutaient pas du « bourbier » administratif qui les attend. Leur propriété est la seule maison qui n’appartienne pas à l’Etat, la vallée est en effet gérée par l’Office National des Forêts (ONF). La commune de Robiac-Rochesadoule est liée à l’ONF par un bail sur le reste du hameau en ruine et les terres en friches. Elle s’engageait ainsi à réhabiliter la vallée... mais elle ne l’a jamais fait.
Une fois installés, les jeunes artistes rédigent un projet et débordent largement de leur propriété. Les activités agricoles et artistiques se développent. Mais rénover un hameau prend du temps et, en 1996, ils vivent toujours dans des conditions sanitaires peu conformes aux normes. Cette années-là marque le début des déboires : un arrêté préfectoral décrète toute la vallée insalubre - pas seulement le hameau. Ils engagent alors un recours devant la cour d’appel qui refuse d’annuler l’arrêté. Ils sont donc menacés d’expulsion. Mais, en 2003, ils sont toujours là. L’arrêté n’a jamais été mis en application, au grand dam du maire de Robiac qui aimerait que « l’ONF et la préfecture prennent leur responsabilité ».
Les anarchistes de La Valette ont choisi de ne pas céder et continuent de développer le site : de nombreuses habitations ont été construite ainsi qu’une salle polyvalente qui accueille un studio d’enregistrement, ainsi que des ateliers d’arts corporels et de danse. Magazine, troupe de théâtre, agriculture, sculpture sur pierre, « festivalettes », journées portes ouvertes... les activités ne manquent pas.
L’avocat du collectif de la Vieille Valette, Me Goujon, explique qu’aujourd’hui, « les autorités hésitent car sur le terrains, la situation a changé. Les habitats précaires ont disparu, la maison commune est relié à une fosse sceptique. Cela doit être constaté. Pour le reste du hameau, il faudrait qu’un bail soit passé avec l’ONF pour qu’ils ne soient pas considérés comme des squatters. Je pense que l’ONF ne serait pas contre : le collectif a quand même revalorisé le site. Mais, cet organisme ne peut pas aller à l’encontre de la politique locale », estime Maître Goujon. De son coté, le maire assure ne pas vouloir les mettre dehors « Nous sommes ouverts. Chacun est libre de vivre comme il l’entend. Mais dans le cadre de la loi. Or, le hameau n’est pas aux normes sanitaires, le risque d’incendie est grand, ils ont construit sans permis et sont installés illégalement... », insiste-t-il. Concrètement, il souhaite revoir l’assainissement, rendre le chemin accessible, mettre la maison commune aux normes puis le reste du hameau. Et de poursuivre : « Ils disent qu’il retapent bien les maisons mais je ne voudrais pas y vivre moi, dans leurs maisons ! C’est rénové dans l’anarchie la plus totale ! ». Une anarchie qu’ils revendiquent, tout comme la qualité de leurs travaux, « Il faut venir voir, c’est super beau », répètent-ils.
Tous les protagonistes veulent la régularisation du la Vieille Valette, mais personne n’est d’accord sur les modalités. Sur le plan juridique le dossier n’avance pas. Mais on les laisse tranquille. La plainte pour construction illicite, déposé contre eux, il y a un an a été classée sans suite. « Qu’on leur fiche la paix est la meilleure des choses pour eux. Plus le temps passe plus ils montrent qu’ils n’ont rien à voir avec des délinquants. C’est vrai qu’ils sont en rupture sociale, mais ils se contentent de peu ». Et surtout ils s’activent. « On travaille tous les jours », précise l’un des permanents.
A Grésillé, la commune qui accueille le village Troglobal, la mairie avait fait preuve d’une ouverture d’esprit remarquable face à cette jeunesse alternative. Il faut dire que le but de ces « Troglobaliens » était d’instaurer une vie associative culturelle en milieu rural. Les soirées à thèmes et autres « foirinettes » attiraient beaucoup de monde y compris les locaux, en toute convivialité. Ils avaient même eu droit aux félicitations du maire et des gendarmes. En une nuit, tout a changé. Ils ont organisé une soirée électro en collaboration avec une autre association. Le nombre de prospectus à distribuer était fixé à deux cents, mais l’association partenaire en a distribué deux mille... « Deux mille sept cents personnes sont venues. C’était un bordel pas possible, les voitures étaient garées partout dans la commune... », raconte Benoît, copropriétaire, plein de regrets. Restriction et plainte de la mairie... et début de la fin pour Ekbalium, l’association culturelle du village alternatif co-organisatrice de l’événement.


Écolonie - Vosges

Sur la voie du développement local
Écolonie donne au début le sentiment d’être dans une enclave hollandaise en terre vosgienne. L’immatriculation des dizaines de voitures garées sur les parkings à l’entrée du site, le néerlandais pratiqué dans toutes les conversations, associé à un certain art du camping, contribuent largement à cette impression.
Un peu à l’écart du village de Hennezel, le domaine de Thietry, qui concentre l’essentiel de l’activité d’Écolonie, réunit sur sept hectares plusieurs espaces de camping, une maison de maître, qui abrite une dizaine de chambres d’hôtes et une petite boutique, ainsi que plusieurs bâtiments bas qui servent de logements, ou qui accueillent diverses activités. On y trouve aussi un magnifique potager bio en forme circulaire, et un jardin de plantes aromatiques entouré de vieux murs. C’est là que vivent en permanence douze Hollandais, dont trois enfants. Ils y partagent une communauté de vie et de travail, à laquelle s’associent régulièrement des bénévoles pour plus ou moins longtemps.
En plein été, près de trois cent cinquante personnes y séjournent. L’accueil touristique est, en effet, l’une des principales activités de l’association avec la production issue des jardins. Écolonie s’affiche comme un centre écologique aux activités multiples : éducation à la nature, ateliers d’art, ressourcement à la carte. Certains se baignent dans l’étang quand d’autres donnent un coup de main au potager, d’exercent à la mosaïque ou à la fabrication d’huiles essentielles.
Depuis quatre ans, Janneke, Henry, Henkjan, Richard et les autres ont tissé des liens avec d’autres producteurs bio du secteur, le boulanger du village, d’autres fournisseurs et des habitants. Ils envisagent de créer un restaurant largement ouvert sur l’extérieur. Bientôt, une petite communauté s’installera dans un village voisin et proposera des ateliers créatifs à la clientèle d’Écolonie. En attendant, les enfants qui fréquentent le collège, l’école ou la crèche n’ont pas attendu pour devenir des petits Hollandais cent pour cent vosgiens.

Claire Lelièvre Contact : Écolonie - 1 Thiétry, 88260 Hennezel - Tél. 03 29 07 00 27 Site internet : www.ecolonie.org


Retombées économiques
« Pour moi, c’est clair qu’Écolonie apporte un plus. Je considère ce projet comme une opportunité de développement », explique Alain Roussel, maire de Claudon et conseiller général chargé des questions d’environnement. Au début, rien n’était gagné, d’autant plus que les « écoloniens » étaient étrangers (Hollandais). La rumeur de la secte courait. A tel point que quand cet écovillage s’est étendu sur le territoire de Claudon, Alain Roussel est allé les voir pour leur poser la question.
Maintenant, ils travaillent ensemble. « Tous les ans, on monte un grand spectacle. L’année dernière, une dizaine de membres d’Écolonie ont joué dedans. Ils participent aussi aux réunions « projets de territoires ». Ce sont des acteurs du développement », assure le maire de Claudon. « Nous avons des retombées économiques car les visiteurs consomment. Il y aussi les touristes qui louent dans la région car ils ont entendu parler de nous », explique une bénévole. La crainte des locaux ? Qu’Écolonie soit un repaire de Hollandais profitant des aides sociales. « En fait, c’est donc une pratique marginale », souligne Alain Roussel qui ne regrette qu’une chose : la lenteur de leurs projets, dû à leur choix d’autofinancement.
Josiane Delsart, maire de Balazuc, ne cache pas sont enthousiasme concernant le Viel Audon. « C’est quelque chose d’extraordinaire. Nous sommes très heureux. Ce lieu écologique et éducatif est un énorme atout pour la commune ». Marie Simon, du Viel Audon, raconte qu’au début, les gens les voyaient comme « des caricatures de soixante-huitards ». Mais, « les locaux ont vu des gens bosser dans la durée. Le travail de la terre a une grande valeur pour eux ». L’animatrice insiste aussi sur la philosophie de leur projet qui ne recherche en aucun cas l’autarcie : « Nous avons une démarche de développement local ». Et pour preuve, Yann, à l’origine de l’écovillage et salarié de l’association, est conseiller municipal.


Longo Maï - Alpes-de-Haute-Provence

Une vie sans compromis
Des communautés néo-rurales nées après 1968, la plupart ont disparu. D’autres résistent, s’accrochant à un idéal collectif et refusant toute compromission. Parmi elles : Longo Maï.
Des bâtiments de fermes qui ressemblent, peu ou prou, à tous ceux accrochés aux collines de Limans, près de Forcalquier, dans les Alpes-de-Haute-Provence ; 300 hectares de terres semi-arides fichées de trois hameaux, toujours en voie de restauration... Tel est le lieu où se sont installés - et vers lequel continuent d’affluer des dizaines " d’anars " venus de toute l’Europe.
Longo Maï, a vu le jour en 1973. Lieu d’alternative rurale, cette coopérative agricole autogérée, - où l’on pratique l’élevage de moutons, de volailles, de cochons, et la polyculture (céréales, fruits, légumes et plantes médicinales), est la concrétisation du rêve de Roland Perrot, alias Rémi, décédé en 1993.
La première ambition était d’offrir à de jeunes gauchistes en butte aux factions néonazies en Autriche, une retraite au vert ainsi qu’un projet de vie collective, où les notions de propriété, de famille traditionnelle et de travail salarié, n’existeraient plus.

La terre promise
Mais attention, il ne faut pas confondre retour à la terre et oisiveté. La devise de la communauté ne laisse pas de doute à ce sujet : " réfléchir et agir ". L’intronisation dans cette " autre vie " passe par l’auto-production, mais également par la restauration des bâtiments en ruine, le bûcheronnage, la réflexion sur l’usage de matériaux et d’énergies renouvelables (bio-construction, traitement sélectif des déchets et des eaux usées, capteurs solaires thermiques, etc.) La quête d’un idéal écologique... Mais tout cela a un coût. Ces pionniers hostiles à l’économie de profit ne peuvent faire l’impasse sur les campagnes de collectes de fonds (dons privés, subventions publiques, emprunts, mécénat...) À Bâle, où se trouve leur siège administratif, le collectif a été reconnu d’utilité publique. Les dons avoisinent les cinq millions de francs suisses par an, réinvestis dans la gestion de la coopérative et dans ces actions politique.

Agir localement, penser globalement
Ici, les curieux et les doux rêveurs n’ont guère leur place. Seuls les plus passionnés demeurent. Les plus engagés aussi. Qui sont-ils ? Autant de gens que de parcours différents : jeunes tout juste majeurs, cadres urbains las de leur vie, réfugiés politique... Ils adhèrent unanimement au principe du collectif : polyvalence de chacun pour ce qui est des tâches au sein de la ferme, décisions prises par l’ensemble de la communauté, que ce soit au niveau local ou mondial...
Longo Maï prouve son ouverture vers l’extérieur ? Les participants font pression pour rouvrir l’école primaire de Limans, participent au conseil municipal, organisent régulièrement des réunions locales et nationales. Dans les années quatre-vingt-dix, ils rejoignent Paysalpes, un groupement de petits producteurs de la région. Acteurs dans l’aventure des radios libres, ils ont installé au sommet de la colline Radio-Zinzinz, qui propose des revues de presse nationales, de la littérature et de la musique vingt-quatre heure sur vingt-quatre ainsi qu’une émission mensuelle en collaboration avec Le Monde diplomatique.
Autant de passerelles vers un monde où les citoyens de Longo Maï ne cessent d’élargir leur champs d’action. Ainsi, ils implantent de nouvelles fermes, en France comme à l’étranger, et multiplient les initiatives : création d’une agence de presse alternative, l’AIM, accueil de réfugiés politiques, coopération avec les paysans journaliers d’Andalousie, interventions au Mali, en Nouvelle-Calédonie, en Europe orientale... Autant d’offensives qui leur vaudront bien des critiques, voire même des procès à droite comme à gauche.
Entre idéalise et réalisations concrètes, Longo Maï a su perdurer, même si l’utopie ne va pas sans heurts. La cohésion interne est souvent mise à mal par les inimitiés, les rébellions et les conflits entre habitants. Et pourtant, la cohésion prévaut dans ce lieu où les identités, les espoirs et les idées se mettent au service de la communauté. " Que cette alchimie puisse durer toujours ! ", dira l’un d’entre eux avant de se rappeler les trente années qui viennent de s’écouler...

Nathalie Dallain Contact : Longo Maï - Communauté de Limans - Maison Principale, BP 42 - 04300 Forcalquier - Tél. 04 92 73 05 98


Un mouvement en expansion
Au niveau mondial, « la coopération entre les écovillages et les autorités mondiales s’approfondit », écrit Jonathan Dawson, du GEN Europe, dans Passerelle Eco. Au Danemark, « l’écovillage de Munksoegaard reçoit une aide importante de la Direction de l’urbanisme locale. Un partenariat similaire se met en place à Findhorn*, en Ecosse, où une étude récente a montré que la contribution de la communauté à l’économie locale est de cinq millions de livres par an et quatre cents emplois ». Le GEN-Europe fédère aussi les projets africains, et noue de plus en plus de relations avec les pouvoirs publics et les professionnels. Les écovillages pourraient favoriser le développement de certaines régions d’Afrique. Au Sénégal, par exemple, « le gouvernement a mis le concept d’écovillage au centre de sa stratégie de développement rural et le réseau reçoit régulièrement des fonds du Programme de développement des Nations Unies » se réjouit Jonathan Dawson.

* Communauté écossaise d’environ quatre cents personnes fondée en 1962, et qui reçoit plus de 10 000 visiteurs par an. Lieu de naissance du GEN.


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