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Mourir pour des idées

(JPG) par Genaro
Article publié le mardi 16 mai 2006.


Mexico, ville des extrêmes détient un joli palmarès. La plus grande ville du monde, la plus polluée, la plus haut perchée, peut-être la plus dangereuse, avec certitude la plus fascinante. Premier mai dernier, sur le Zocalo, la plus grande place d’Amérique du Sud, les encagoulés sont là. Meeting démésuré. Douze ans en arrière, les cagoules sur leur blancs chevaux, armes au poing surgissent de la forêt Lacandone. Aujourd’hui Marcos est dans le métro et décharge en rafale sa prose mitraillette. La lutte n’appartient plus qu’à une poignée d’indiens. Douze ans d’entêtées palabres, poétiques et pertinentes ont permis à ce combat de battre dans de nombreux cœurs mexicains. Et dans bien d’autres aussi...

(JPG) Les paroles qu’on aura entendues le plus en ce début de mois, dans des bouches de tout sexe et de tout âge sont “jusqu’à mourir si c’est utile”. Le gouvernement de Vicente Fox a entendu la “provocation”. Trois jours plus tard, le 4 mai, à San Salvador Atenco, à quelques bornes de la capitale, la police fonce sur “ La Otra Campaña ” et sur le le FPDT (Front des Peuples en Défense de leur Terre), paysans dépossédés défendant leurs terres. Un jeune est tué d’une balle de 38 en pleine poitrine, nombreuses maisons sont saccagées, plus de 200 personnes sont engeôlées (voir lien suivant pour avoir la liste précise) . Réaction immédiate Aussitôt l’EZLN déclare l’alerte rouge. Les “caracoles” et les territoires autonomes rebelles zapatistes sont aussitôt fermés. Les mailing-lists se mettent en transe, les réseaux “alternatifs” prouvent leur efficacité. En deux jours les 5 continents sont informés d’un événement qu’aucun média “officiel” dans le monde, et encore moins localement, ne relaiera. Marcos donne sa première interview à la presse depuis 5 ans. De nombreuses manifestations devant les consulats mexicains du monde ont lieu. Zapata avait des flingues et une sacrée paire de couilles. Les zapatistes ont internet et un dictionnaire de rime cinglant. Vicente Fox n’a plus que le sanglant. Il veut imposer par la force ce qu’il ne sait ou ne peut avoir par la raison. Il est mal barré le renard...

Santiaguito C’est le joli nom de la prison où se trouvent la grande majorité des “prisonniers politiques” cueillis à San Salvador Atenco. Tabassage en règle, viol de femmes comme dans toute “guerre” qui se respecte, intimidations musclées pour les plus chanceux. Hier, 12 mai, un rassemblement massif devant la prison. Des anonymes solidaires, des familles, des femmes, des mères. Une trentaine de prisonniers sont libérés, ils refusent de sortir. Leur condition : sortir avec les 200 autres. Du coup ils retournent dans leur cellule se prendre des pains dans la gueule. Une vieille indienne mazahua raconte comment elle s’est fait traîné par les cheveux, tabassée et traitée de “sale chienne de pute d’indienne”. Une mère range dans son sac, comme un trésor, un petit mot que lui a fait passer son fils qui est de l’autre côté du mur : “Mère ma peine est douce, d’autres sont torturés et violés”. Les chants reprennent, hauts et forts, pour qu’ils soient entendus à l’intérieur de la prison. Ils tentent de couvrir la douleur et les larmes, les miennes. Putain, ça respire la résistance ici, la déterminée, l’enragée, la dangereuse, l’onirique, la concrète. Celle qu’on ne trouve peut-être nulle part ailleurs, celle qui te fait chialer de peur et d’allégresse, celle qui prouve que des hommes et des femmes sont encore imbibés de dignité jusqu’au tréfonds de leur être. Jusqu’à la mort.

Genaro

http://240plan.ovh.net/ croixroun/lezebre/Genaro11.htm


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